INTERVENTION SUR LE TARIF DES NOTAIRES
L’intersyndicale CFDT-CGT-CGC-CFTC a été reçue le 4 novembre 2010 au cabinet de Madame la Ministre de la Justice, suite à la demande qu’elle avait formulée par courrier du 15 septembre 2010, ci-après reproduit.
Ce rendez-vous s’inscrit dans le cadre des démarches effectuées par l’intersyndicale pour assurer l’avenir de la CRPCEN. Il avait pour principal objectif de traiter du tarif des notaires comme outil pour le financement de la CRPCEN, ainsi que l’avait voulu le législateur lors de la création du régime.
Dans ses propositions pour l’avenir de la CRPCEN, l’intersyndicale demande une cotisation supplémentaire de 1 % sur les émoluments et honoraires des notaires (voir sur le présent blog, l’article détaillant ces propositions).
Par lettre du 15 septembre 2010 à Mme la Ministre de la Justice, l’intersyndicale expose que lors de la création de la CRPCEN le législateur a pris en compte le rôle positif de celle-ci pour la qualité du recrutement dans le notariat et, par voie de conséquence, pour la qualité du service rendu à la clientèle.
Cette prise en compte s’est traduite, dans la loi du 12 juillet 1937, par une cotisation de 4 % sur les émoluments, ajoutée à ceux-ci sous la forme de « centimes additionnels ».
Par la suite, ces centimes additionnels furent intégrés dans le tarif des notaires, alors augmentés en conséquence pour permettre aux notaires d’assumer la charge de la cotisation sur émoluments à verser à la CRPCEN.
L’ordonnance du 8 septembre 1945 consacra ainsi le rôle du tarif de notaires dans le financement de la CRPCEN.
Lors de son rendez-vous du 4 novembre 2010 précité, l’intersyndicale a rappelé au Ministère de la Justice ce point de l’histoire pour soutenir que, face aux difficultés actuelles de la CRPCEN, il convenait de lui procurer des ressources par une cotisation supplémentaire sur émoluments et honoraires à prendre en compte dans le tarif des notaires.
Tarif des notaires : revalorisation annoncée
Il a été confirmé à l’intersyndicale qu’une revalorisation du tarif des notaires était imminente, puisque les discussions conduites avec la profession ont permis l’élaboration d’un projet de décret actuellement soumis pour avis au Conseil Supérieur du Notariat.
L’intersyndicale a demandé que cette opportunité soit saisie pour financer la cotisation supplémentaire sur émoluments et honoraires, nécessaire pour l’équilibre financier de la CRPCEN.
Elle a rappelé que pour les autres régimes spéciaux le budget de l’Etat, et donc l’ensemble des contribuables, assurait l’équilibre. Elle a souligné que dans le cadre de l’égalité de traitement entre régimes, la CRPCEN devrait pouvoir bénéficier de ressources pour son équilibre financier.
L’intersyndicale a soutenu qu’à défaut d’intervention du budget de l’Etat pour la CRPCEN, et en cohérence avec l’esprit de la loi ayant créé le régime, le tarif réglementé constituait l’outil adapté pour permettre les financements dont la CRPCEN a besoin.
Notre interlocuteur n’a pas pris d’engagement. Il a néanmoins indiqué qu’il allait étudier le dossier complet que l’intersyndicale lui a remis, comportant notamment note relatant l’historique de la cotisation sur émoluments et son lieu avec le tarif des notaires.
Sans doute peut-on regretter que le Conseil Supérieur du Notariat n’ait, semble-t-il, pas formulé de demande pour la CRPCEN dans ses négociations avec le ministère.
Aussi, l’intersyndicale a-t-elle demandé au Président du Conseil Supérieur du Notariat, par courrier du 5 novembre 2010, un entretien urgent pour envisager une démarche au Ministère de la Justice de l’ensemble des partenaires sociaux du notariat pour le financement de la CRPCEN.
Un consensus devrait être possible sur ce point. En effet, la CRPCEN est privée de ressources importantes par la suppression de la compensation spécifique entre régimes spéciaux résultant d’une décision du gouvernement à caractère politique. Il incombe donc audit gouvernement de procurer à la CRPCEN les financements nécessaires pour compenser cette perte de recettes, comme il le fait pour les autres régimes spéciaux dont il assure l’équilibre.
Ce point important a aussi été rappelé par l’intersyndicale lors de son rendez-vous au Ministère de la Justice.
Lettre au Ministre de la Justice du 15 septembre 2010
Nous reproduisons ci-après les termes de cette lettre :
Madame le Ministre,
Il a été porté à notre connaissance que des discussions relatives au tarif des Notaires seraient en cours avec le Conseil Supérieur du Notariat.
Nous tenons en conséquence à attirer votre attention sur le fait que ce tarif a inclus le financement de la cotisation de 4 % sur les émoluments et honoraires des notaires au profit de la CAISSE DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYES DE NOTAIRES (CRPCEN).
Antérieurement ajoutée à ces émoluments et honoraires sous la forme de « centimes additionnels », cette cotisation est désormais prélevée depuis une ordonnance du 8 septembre 1945 qui a fait suite à la publication d’un nouveau tarif des notaires par décret du 10 août 1945.
Ce nouveau tarif a pris en compte le prélèvement de la cotisation CRPCEN. Ceci résulte de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 8 septembre 1945 qui mentionne que les anciens centimes additionnels seront prélevés « …en moins prenant sur les tarifs, d’ailleurs substantiellement majorés… », et est confirmé de manière très explicite par deux réponses ministérielles des 1er avril 1954 et 1er juin 1976 (ci-jointes).
Cela dément, s’il en était besoin, l’affirmation de certains représentants des notaires selon laquelle la cotisation de 4 % sur émoluments et honoraires est à prendre en compte, au même titre que les cotisations sur salaires, pour l’évaluation de leur contribution au financement de la CRPCEN.
En réalité, par l’augmentation précitée du tarif, elle a été maintenue à la charge de l’usager du service notarial et, si elle n’existait pas, le tarif serait d’autant moins élevé.
Les travaux parlementaires préalables à la loi du 12 juillet 1937 instituant la CRPCEN justifient cette contribution des usagers du service notarial dans les termes suivants (rapport de Mr FIN à la Chambre des Députés le 1er juillet 1937) :
« La proposition de loi qui vous est soumise a emprunté ses dispositions, soit à la loi sur les assurances sociales, soit au régime des retraites dont bénéficient les fonctionnaires des services publics.
Le notariat est aussi un service public.
Les notaires sont des fonctionnaires publics jouissant d’un statut particulier. Ils profitent d’un monopole assorti d’avantages inhérents à la profession.
Mais les clercs, leurs employés, sont astreints aux mêmes règles sévères, sans avoir aucun des avantages qui en constituent la contrepartie. Ce sont les parents pauvres de la corporation.
D’autre part, ignorés des pouvoirs publics, ils n’ont rien des avantages que l’Etat accorde aux serviteurs publics de la nation : pas de statut, pas d’inamovibilité, pas d’échelles de salaires, pas d’ancienneté, pas de retraites.
En fait, leur situation reste particulièrement précaire et malgré cela, leurs salaires sont parmi les plus bas qu’on puisse imaginer de nos jours.
Et cependant, ils apportent un large tribut au fonctionnement du service public dont ils dépendent.
………..
En dotant les clercs de notaires et les employés des études des œuvres d’assurance et de prévoyance qu’ils réclament à juste titre, vous apporterez à l’élément le plus intéressant du notariat une amélioration certaine de situation. Vous faciliterez en outre, le recrutement des clercs qui est à peu près complètement arrêté et, partout, vous contribuerez au perfectionnement de l’organisme tout entier, dans l’intérêt du bien public.
……
L’ensemble des clercs constitue un rouage social qui vient doubler le rouage officiel que constituent les notaires. Il s’ensuit que pour la bonne organisation du notariat, l’élément salarié des études des notaires doit être détaché de la masse des autres salariés, et traité à part ».
Il est donc indiscutable que le législateur a considéré la CRPCEN comme un élément important contribuant à la qualité du service public assuré par le notariat « dans l’intérêt du bien public », justifiant la contribution de la clientèle à son financement.
Mais cette contribution n’a jamais eu pour objet de dispenser les notaires de payer un niveau de cotisations sur salaires inférieur à celles payées par les autres employeurs au régime général et aux régimes complémentaires.
C’est pourquoi notre intersyndicale a demandé que, prioritairement, les cotisations sur salaires des employeurs, comme celles des salariés, soient mises à niveau par un complément chiffré par la CRPCEN à :
+ 5,39 % pour les employeurs (actualisé à 5,45 %).
+ 0,63 % pour les salariés.
Le décret du 30 décembre 2009 a pris en compte cette demande :
- complètement pour les salariés qui ont même subi une sur-cotisation de 1 % (1,63 % au lieu d 0,63 %).
- partiellement pour les employeurs (2,15 %), pour lesquels une majoration de 3,3 % est encore nécessaire (5,45 %
- 2,15 %).
Notre intersyndicale maintient donc sa demande de mise à niveau des cotisations sur salaires des notaires.
Le gouvernement a fait évoluer les régimes spéciaux en 2007 par souci d’harmonisation. Aujourd’hui, par le projet de réforme des retraites, il marque sa volonté de ne pas les maintenir à l’écart des réformes envisagées pour le régime général et le régime de la Fonction Publique.
Mais il serait tout à fait injuste que la CRPCEN subisse des réformes spécifiques et plus profondes que les autres régimes spéciaux dont le financement est pour partie assuré par une contribution de l’Etat et donc des contribuables, alors qu’au surplus :
- les cotisations sur salaires des notaires ne sont pas mises à niveau.
- les spécificités du régime sont, selon une étude actuarielle, couvertes par la cotisation sur émoluments.
Ajoutons, en outre, qu’en intégrant dans les études actuarielles les ressources provenant de la mise à niveau des cotisations patronales sur salaires, notre intersyndicale démontre que le régime serait financé puisqu’en 2035 ses réserves, qui sont de 304 M€ à fin 2009, seraient portés à 497 M€.
Par sécurité un complément de financement nous paraît cependant nécessaire, que nous proposons de réaliser par une cotisation additionnelle sur émoluments. Avec un taux de 1 % jusqu’en 2035 les réserves atteindraient alors 2,722 milliards d’euros.
Pour les modalités, nous proposons que cette cotisation complémentaire s’ajoute aux émoluments, dans l’esprit qui a prévalu lors de la loi du 12 juillet 1937, ci-dessus rappelé, au moyen d’une majoration correspondante du tarif des notaires appliqué aux émoluments calculés selon les barèmes actuels.
Pour conférer un caractère temporaire à cette majoration, si tel était le souhait du gouvernement, il suffirait que les décrets à intervenir, tant pour la cotisation CRPCEN que pour le tarif, mentionnent la durée applicable, éventuellement renouvelable.
Dans le passé, cette méthode a été mise en œuvre pour la cotisation CRPCEN (décrets des 23 juin 1983 et 26 janvier 1984). Il s’agissait alors de rétablir le taux de 4 % qu’une ordonnance du 31 octobre 1945 avait ramené à 3 % en raison de la bonne santé financière de la caisse. Le taux de 4 % fut ensuite pérennisé par un décret du 11 octobre 1985.
Nous vous adressons par courrier séparé nos propositions et notre analyse des projections 2010-2035 pour la CRPCEN, et nous restons à votre disposition pour un rendez-vous afin d’évoquer cette question.
Nous nous permettons enfin de vous faire observer que les mesures 2008 et 2009 représentent un effort global à l’horizon 2035 de 3,359 milliards d’euros pour les salariés et retraités, et 0,891 milliard seulement pour les notaires.
Cette disparité n’est pas tolérable, et si l’effort devait être réparti seulement entre les notaires et les salariés/retraités à défaut de pouvoir faire contribuer le client, nous demanderions au gouvernement d’aligner l’effort des notaires sur celui des salariés et retraités, par souci d’équité et de justice.
Dans cette attente,
Veuillez agréer, Madame le Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux et de notre haute considération.
Pour la CFDT Pour la CGT Pour la CFE/CGC Pour la CFTC
Lise VERDIER Pierre LESTARD André AUREILLE Denise ROY
Administrateur CRPCEN Administrateur CRPCEN
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