- Pour le Ministère, 4 représentants du cabinet :
- Emmanuel LACRESSE, Directeur adjoint du cabinet
- Jean-Claude LUCIANI, Conseiller social
- Etienne CHANTREL, Conseiller chargé des réformes structurelles, de la consommation et de la concurrence.
- Xavier HUBERT, Conseiller technique
- Délégation de l'intersyndicale :
- Pour la CGT : Noël LECHAT et Pierre LESTARD
- Pour la CFDT : Jean-Pierre BERGER
- Pour la CGC : Fabienne COLLIN
- Pour la CFTC : Patrick LEMOIGNE et Sandra WISNIEWSKI
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Pierre LESTARD a été chargé, à l'unanimité,
de faire l'exposé introductif, chacun pouvant intervenir ensuite dans la
discussion.
Le ministère était en possession de notre
analyse du rapport IGF et, visiblement, en avait pris connaissance. Il n'est
donc pas apparu nécessaire de reprendre point par point cette analyse dans
l'exposé introductif.
D'entrée, P. Lestard a tenu à exprimer une
colère :
- colère face à un dogme libéral où la
concurrence est présentée comme la mère de toutes les vertus pour justifier une
déréglementation à tout-va, et où pour 0,5 point de croissance sans doute
illusoire, on prend le risque de déstructurer la société en abîmant le service
public du droit, assuré par le notariat, qui est au coeur de la vie des
citoyens.
Affirmation que les besoins du citoyen ne
sont pas seulement économiques mais comportent un besoin fort de sécurité
juridique et de service public de proximité.
Conséquences négatives des mesures du rapport
sur l'emploi dans le notariat et sur le statut social des 48.000 salariés.
Mise en péril du régime spécifique de
sécurité sociale et de retraite dont la
disparition mettrait à la charge de la collectivité ses déficits structurels
aujourd'hui pris en charge par la profession.
- colère aussi du non respect des engagements
du Président de la République (alors candidat) exprimés dans une lettre d'avril
2012, dont les extraits suivants, explicites et correspondant à nos positions,
ont été lus à nos interlocuteurs :
"Votre
statut fait de vous des officiers ministériels maniant le Sceau de l'Etat et
collectant les impôts et je suis attaché à cette délégation d'autorité publique
dont notre histoire a montré combien elle est efficace pour la sécurité
juridique de la vie de nos concitoyens, qu'elle soit collective ou
individuelle. Je suis attaché aussi à la spécificité de la preuve par acte
authentique dont vos offices ont le monopole.
...
"
Si harmonisation et production législative il doit y avoir, cela doit être
orienté dans l'intérêt et la protection des citoyens et ne pas avoir comme
objectif le seul accomplissement du marché intérieur sans entrave. Ainsi, dans
le cas de notaires, nous devrons être vigilants à la défense du modèle qui
existe en France et dans 20 autres
Etats
face à la volonté de libéraliser l'activité sur un modèle anglo-saxon, qui,
notamment, méconnaît la garantie de l'Etat sur les actes authentiques, qui est
une source d'incertitudes pour les citoyens. Cela peut conduire à des dérives
(comme la crise des subprimes).
De
même, l'encadrement tarifaire, le maillage territorial ou l'obligation de
neutralité sont des composantes essentielles du système notarial français,
garantes de cohésion sociale".
Mr LACRESSE a indiqué que rien n'était figé
et que le débat était ouvert, dans le cadre d'une concertation avec les
représentants du notariat, notaires et l'ensemble des organisations syndicales
de salariés.
Il a notamment précisé que le but était de
créer de l'activité. Et il a insisté sur le fait que le rapport de l'IGF émanait
d'une autorité indépendante, libre de ses analyses, avis et propositions, sans
engager le ministère de l'Economie.
En d'autres termes, le rapport de l'IGF
"n'est pas la feuille de route du ministère de l'Economie". Le
ministère se déterminera, connaissance prise du rapport, mais sans être tenu
par les avis et propositions qui y sont contenus.
Nous avons tenu à indiquer que notre
mobilisation visait à défendre la profession en tant qu'outil de travail et
service public, et qu'il ne fallait pas en tirer des conclusions sur une absence
de débat au sein du notariat.
Nos interlocuteurs ont indiqué que tout cela
était très clair pour eux et qu'ils n'avaient jamais vu les salariés ni leurs
syndicats demander la fermeture de leur usine.
Les
échanges sur les mesures du rapport peuvent être synthétisés comme suit :
1 - Suppression du monopole pour la
rédaction des actes de mutation immobilière
Le ministère n'a jamais eu cet objectif de
suppression du monopole.
Une ouverture est cependant envisagée pour
les contrats de mariage, les donations entre vifs et les testaments, sachant
néanmoins que tout acte comportant des dispositions immobilières reste dans le
cadre du monopole.
Précision de dernière heure : d'après certaines infos, la réserve ci-dessus serait abandonnée et il y aurait donc un maintien sans réserve du monopole (à vérifier). Ce serait positif pour nos emplois.
2 - Suppression du tarif pour les
négociations immobilières
Nous avons souligné qu'en fait cette mesure
n'avait pour effet réel que la suppression d'un plafond puisque les remises
partielles sont possibles, et qu'il en résulterait plutôt une augmentation des
coûts pour le client.
Pour le ministère : sujet non déterminant.
Précision de dernière heure : cette mesure aurait été abandonnée (à vérifier)
3 - Réduction de 20 % du tarif
proportionnel
Nous avons développé la position de
l'intersyndicale et insisté sur le caractère incohérent d'une mesure uniforme
face à des situations très diversifiées.
Alors que l'honoraire ne couvre pas le coût
de certains actes, celui afférent à des actes plus importants permet une
péréquation. La mesure préconisée rendrait cette péréquation moins efficiente
et pourrait rendre nécessaire le relèvement de l'honoraire des petits actes.
Donc une économie pour les riches clients avec comme conséquence un coût
augmenté pour les petits actes.
Nous avons affirmé notre volonté que soit
maintenu le chiffres d'affaires global du notariat, tant pour le maintien de
l'emploi et des salaires, que pour celui de la couverture sociale.
Et nous avons rappelé les effets de la crise
de 2008, qui bien que conjoncturelle et avec des effets n'ayant pas atteint 20
%, avait généré 6.000 suppressions d'emploi (13 % des effectifs) et créé un
déficit sans précédent du régime de prévoyance et de retraite de la CRPCEN, le
mettant en péril.
Si l'on peut admettre que les revenus élevés
de certains offices sont choquants, l'intersyndicale
propose une péréquation accentuée, au moyen d'une contribution de solidarité
des offices réalisant des profits importants au bénéfice de ceux réalisant des
profits peu élevés. Et nous avons fait référence à la proposition que
contenait le rapport ATTALI de 2008 qui avait déjà pour objet de
"libérer" la croissance.
Pour répondre à une remarque de nos
interlocuteurs, nous avons indiqué que si le principe devait être retenu, les
mécanismes restaient à définir, et que nous pourrions alors apporter notre
contribution, mais qu'en tout état de cause il ne s'agissait pas de prévoir des
versements directs par certains offices à d'autres, mais d'alimenter un fonds
commun de péréquation dont l'utilisation ferait l'objet de règles strictes.
Il nous a été indiqué que pour le ministère,
une réduction de 20 % n'a jamais été un objectif mais qu'il semblait néanmoins exister
des "marges de manoeuvre".
En tout état de cause, si réduction il devait
y avoir, elle ne pourrait pas être linéaire et devrait tenir compte de la
diversité des situations. En particulier, il ne saurait être question
d'affecter les petits actes.
L'idée
de la taxe de péréquation a été notée mais il nous a été indiqué que l'idée de
tarifs plafonds était aussi sur la table.
En conclusion, le ministère considère qu'une
réflexion de fond est nécessaire sur le tarif dont certaines dispositions ont
un caractère "archaïque", mais que cette réflexion devra se faire
dans la concertation, sans méconnaître les attributions du garde des Sceaux en
la matière.
4 - Ouverture à la concurrence des ventes
aux enchères
Nous avons simplement noté le caractère
marginal de cette mesure par rapport aux enjeux.
Pas de débat.
5 et 6 - Compétence de l'autorité de la
concurrence pour réforme du tarif, et révisions quinquennales
Pas d'hostilité de l'intersyndicale à une
révision quinquennale.
Mais nous avons estimé que, s'agissant d'un
service public par délégation de l'autorité de l'Etat, c'est l'Etat qui devait
être décisionnaire en fonction de critères non seulement économiques, mais
aussi sociaux. Le rôle de l'autorité de la concurrence doit être limité à un
avis.
Le ministère n'a pas formulé d'objection de
principe à l'encontre de cette position.
7 - Suppression des restrictions à la
liberté d'installation
Nous avons défendu la possibilité de
créations, mais dans un cadre planifié en fonction des besoins des citoyens, et
considéré qu'il revenait à l'Etat, garant du service public et du maillage
territorial, de déterminer ces besoins.
Et nous nous sommes déclarés opposés à des
installations "sauvages" qui provoqueraient un afflux de créations
dans les secteurs riches et des déserts juridiques ailleurs.
Sans critiquer ce principe, le ministère
considère qu'un problème existe actuellement quant au nombre insuffisant des
offices, aux prix élevés de certaines cessions et de certaines rémunérations de
notaires, y compris des associés.
Il nous a été fait état de nombreuses
demandes de diplômés notaires qui voudraient s'installer mais qui ne le peuvent
pas, notamment "faute de places".
Et la liberté d'installation ne semble pas,
pour le ministère, risquer de remettre en cause le maillage juridique, ni
risquer de générer une surpopulation dans les zones urbaines, même très
peuplées, dès lors que la sociologie des habitants n'implique pas un besoin de
notaires.
Notons que le ministère a évoqué le système
de l'Alsace-Moselle qui lui paraît présenter des atouts.
Conclusion : sentiment de n'avoir pas été parfaitement
entendus sur cette question de la liberté d'installation (l'allusion à
l'Alsace-Moselle, bien qu'intéressante, n'étant pas dans l'actualité du
moment).
8 - Ouverture du capital aux non
professionnels
L'intersyndicale a développé son
argumentation contre une ouverture sans restriction, opposition fondée sur le
risque d'entrée d'investisseurs ayant pour seul souci une rentabilité immédiate
et maximale au détriment du service public.
Le ministère a minimisé notre argument qui
n'a pas semblé le convaincre, considérant que les revenus du notariat sont d'un
niveau permettant une rentabilité des investissements sans avoir à exercer des
pressions particulières sur le ou les notaires en exercice dans les sociétés en
cause.
Le cas d'apports de capitaux par des parents
a aussi été mis en avant.
Le ministère semble en outre considérer que
cette opportunité peut permettre l'installation à des diplômés qui ne le
pourraient pas dans le contexte actuel où le capital est de plus en plus
concentré "entre quelques mains" du
fait que la cession de clientèle est doublée
de la cession d'un droit de présentation. Et le ministère en conclut que
l'ouverture du capital permettrait de satisfaire un enjeu "d'ascenseur
social".
Conclusion : là aussi, sentiment de
l'intersyndicale de n'avoir pas été complètement entendue.
Précision de dernière heure : cette mesure aurait été abandonnée, maintien de ce qui existe (à vérifier).
9 - Accroissement du pouvoir de sanction
du CSN
Sujet non abordé.
___________
La conclusion générale à l'issue de ce
rendez-vous a été que du temps va être donné à la concertation et que d'autres
discussions sont appelées à avoir lieu et à faire évoluer le dossier.
Et l'intersyndicale a été invitée à
solliciter le Ministère autant que nécessaire à cet effet.
Nota : les "précisions de
dernière heure" ci-dessus rapportées et résultant d'informations
postérieures à notre rendez-vous confirment que le dossier évolue positivement.
Si elles sont avérées, le plus gros
problème subsistant et susceptible d'impacter les emplois, les salaires et la
couverture sociale est celui du tarif, avec néanmoins un engagement de
concertation.
La vigilance reste donc de mise.
Félicitations pour votre travail exemplaire.
RépondreSupprimerBravo pour ce que vous faites ! Et heureusement que vous êtes là...
RépondreSupprimerChristian MORENO
Merci de ces précisions!!
RépondreSupprimerJe ne suis pas pour la liberté d'installation néanmoins le système actuel a ses défauts qui conduisent aujourd'hui à cette remise en cause. Dans les grandes villes combien d'offices avec 2 ou 3 associés pour 20 à 30 notaires assistants ?? Nos patrons tendent le bâton pour se faire battre.
Quant à l'engagement du CSN d'accroitre le nombre de notaires, cela restera lettre morte en ce qu'il ne dispose pas de pouvoir de contrainte suffisant pour forcer les gros offices à associer davantage de leurs diplomés. Le statut de notaire salarié n'est qu'un leurre.
Bravo et merci pour tout votre travail
RépondreSupprimerAgnès MARRE