LA COTISATION SUR
ÉMOLUMENTS ET HONORAIRES DES NOTAIRES
Une spécificité pour l’avenir de
la CRPCEN
Un fait
est acquis dans le Notariat : l’attachement de la profession à la CRPCEN.
Il en est ainsi des organisations syndicales représentant les salariés et retraités. Il en est également ainsi du Conseil Supérieur du Notariat représentant les notaires, qui l’affirme sans ambiguïté.
Du côté des Pouvoirs Publics actuels, l’existence des régimes spéciaux, et donc de la CRPCEN, n’est pas remise en cause. Le Président de la République l’a clairement affirmé à la suite de la présentation du rapport de la commission gouvernementale d’experts sur l’avenir des retraites, dit « Rapport MOREAU ».
Dès lors, la question de principe de l’existence du régime ne semble pas poser de problème. Mais ce principe, bien que fondamental, ne permet pas à lui seul de garantir l’avenir de la CRPCEN : il faut aussi la pérennité financière.
Pour cette pérennité, l’intersyndicale CFDT, CGT, CGC, CFTC, écarte le moyen de la réduction des dépenses par la remise en cause du niveau de la couverture sociale assurée par le régime, qui a déjà fait l’objet de réformes sévères, en particulier celle opérée par le décret du 15 février 2008.
Le fondement de cette position réside dans le fait que la justification du maintien d’un régime spécial résulte essentiellement de ses spécificités en termes de prestations. Un régime spécial qui ne servirait que les prestations des régimes de droit commun (régime général + régimes complémentaires obligatoires) perdrait tout son sens aux yeux de ses ressortissants.
On observe d’ailleurs que le Président de la
République lui-même a fondé sa position ci-dessus exprimée sur le fait que les
régimes spéciaux ont fait leur réforme.
En
conclusion, un avenir durable de la CRPCEN ne peut être assuré que dans le
cadre d’une pérennité financière par le moyen des ressources.
Autrement dit, l’avenir de la CRPCEN repose
sur trois piliers :
1 – la volonté politique, tant de la
profession que des Pouvoirs Publics.2 – le niveau de couverture sociale assuré, qui ne doit plus être impacté négativement autrement que par les réformes applicables à l’ensemble des régimes (donc ses spécificités ne doivent pas être remises en cause).
3 – son financement pérenne, qui fait nécessairement appel à des ressources nouvelles du fait d’une évolution défavorable de son rapport démographique.
Il est de la responsabilité des partenaires
sociaux du Notariat d’anticiper quant aux mesures de « financement
pérenne » par des propositions à formuler aux Pouvoirs Publics.
C’est
le sens des propositions formulées par l’intersyndicale CFDT, CGT, CGC, CFTC,
que la présente note a pour objet d’appuyer.
Les
sources de financement de la CRPCEN
Hors la compensation CSG, les revenus des placements et quelques recettes annexes, le financement de la CRPCEN est assuré par :
-
des cotisations assises sur les salaires.
- des cotisations assises sur les émoluments et honoraires des notaires.
La CRPCEN ne peut compter que sur ces sources
de financement pour assurer son avenir, et notamment pour générer les
ressources nouvelles devenant nécessaires, dès lors que l’Etat a exclu toute
participation financière.
Considérant que les cotisations sur salaires ont fait l’objet d’une mise à niveau, aussi bien pour les employeurs que pour les salariés, elles ne peuvent pas fonder des ressources nouvelles pour le régime.
Rappelons à cet égard que les augmentations
mises à la charge des salariés ont dépassé de 2 points la stricte mise à niveau
avec les cotisations du régime général et des régimes complémentaires
obligatoires.
Il ne
reste donc, pour envisager des ressources nouvelles, que le moyen de la
cotisation sur émoluments et honoraires.
La
cotisation sur émoluments et honoraires : une spécificité historique de la
CRPCEN
Le dossier pour l’avenir de la CRPCEN,
présenté le 16 avril 2013 par les administrateurs de l’UNION POUR LA CRPCEN à
Madame MOREAU en sa qualité de Présidente de la commission gouvernementale
d’experts pour l’avenir des retraites (avec communication de copies, notamment
aux Pouvoirs Publics), et publié sur le blog de cette union, contient une note
relatant l’historique de la cotisation de 4 % sur émoluments et honoraires au
profit du régime spécial.
Il n’est donc pas utile de détailler à
nouveau cet historique dans le présent document, mais il convient néanmoins de
rappeler les motivations du législateur qui apparaissent clairement à la
lecture des travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 12 juillet 1937
créant la CRPCEN :
-
le législateur a considéré que le notariat était investi d’une mission de service public, avec l’avantage du monopole.
- il a aussi considéré que les salariés étaient partie prenante de ce service public, sans toutefois recevoir les avantages que l’Etat accorde à ses Fonctionnaires.
- c’est pour réparer cette anomalie qu’il a créé la CRPCEN.
- la contribution de la CRPCEN à
l’amélioration du recrutement dans le notariat et donc du « bien
public », a conduit le législateur à faire participer le client à son
financement.
Ces
principes, qui ont présidé à la création du régime, constituent la spécificité
dominante de la CRPCEN prenant en compte son caractère d’utilité publique. Et
ils valent aujourd’hui pour consolider son avenir.
Ajoutons qu’en 1931 la chambre des Députés
avait voté un texte de loi fixant la cotisation, à la charge du client sous forme de centimes additionnels, à 7 %
des émoluments.
La marge est donc importante pour dégager les
ressources nouvelles nécessaires à la
CRPCEN.
Relevons enfin que la cotisation fut
finalement fixée à 4 % lors du vote définitif de la loi, qu’elle fut abaissée à
3 % en 1945 dès lors que les besoins du régime ne nécessitaient pas un tel
niveau de recettes, et rétablie à 4 % en 1983 pour assurer l’équilibre
financier du régime qui était menacé.
On voit
donc que cette cotisation a effectivement joué le rôle d’une cotisation
d’équilibre pour la CRPCEN.
Enfin, son inclusion ultérieure dans le tarif
des notaires l’a rendue « invisible » pour le client, mais elle reste
bien à sa charge dans la mesure où le tarif fut augmenté en conséquence.
Ce
rappel historique est fait pour démontrer qu’il est légitime de recourir à la
cotisation sur émoluments et honoraires pour dégager les ressources nouvelles
dont le régime a besoin pour sa pérennité financière.
La
discussion, qui doit s’ouvrir quant à la mise en œuvre demandée par
l’intersyndicale, relève d’un débat d’opportunité mais n’affecte aucunement la
légitimité de la proposition.
Le
Notariat ne doit donc pas avoir d’état d’âme à cet égard pour défendre ce
financement auprès des Pouvoirs Publics.
L’opportunité du
recours à la cotisation sur émoluments et honoraires
Si, comme il vient d’être démontré, il est
légitime de recourir à la cotisation sur émoluments et honoraires pour
l’équilibre financier de la CRPCEN, il faut néanmoins répondre à la question de
l’opportunité de ce recours.
1 –
Fragilité de l’équilibre financier du régime
La crise économique de 2008/2009 a confirmé que l’équilibre financier de la CRPCEN peut être gravement affecté lorsque le Notariat est touché par la crise, notamment à travers l’activité liée à l’immobilier, dès lors que le régime est adossé à cette seule profession (182 M€ de déficit en 2009).
Aujourd’hui, malgré une conséquente
augmentation du taux des cotisations sur salaires (plus de 8 points au total)
et une reprise économique sensible, le régime est tout juste équilibré.
L’excédent de 32 M€ en 2012 ne représente en effet que 2,8 % du montant des
recettes de recouvrement.
Il est donc opportun de prévoir des
ressources nouvelles pour assurer la pérennité du régime à long terme. Ces
ressources nouvelles ne pouvant provenir, ni des cotisations sur salaires (mise
à niveau effectuée), ni d’une contribution de l’Etat, le recours à la
cotisation sur émoluments et honoraires est la seule opportunité qui reste.
Et, comme indiqué ci-dessus, cette cotisation
a déjà joué ce rôle de cotisation d’équilibre.
2 – Contribution
de l’usager du service notarial
On a vu que la contribution du client au financement du régime est une spécificité historique majeure, et légitime, de la CRPCEN.
Le recours à cette contribution est
aujourd’hui opportun, à plusieurs titres :
2-1 –
Autres recours à la contribution du consommateur au financement de la
protection sociale
-
dans les régimes spéciaux où l’Etat, donc le contribuable, assure l’équilibre financier.
- au plan général, par la décision de l’Etat de recourir à la TVA.
Une perte de recettes importante a été
imposée à la CRPCEN par la suppression progressive de la compensation
spécifique vieillesse entre régimes spéciaux, totale depuis le 1er
janvier 2012.
Cette perte n’est pas de l’ordre de 20 M€
comme le mentionnent parfois certains commentaires. En effet, la suppression
ayant été progressive par la diminution annuelle du taux d’application, la
perte de recettes s’apprécie en prenant en compte le taux d’application le plus
élevé, soit 38 % (1993).
Sur la base des données de calculs de
compensation pour l’exercice 2011 (dernier exercice d’application de la
compensation spécifique vieillesse, avec un taux de 4 % générant un solde
positif de 8.888.156 €), le rétablissement du solde avec le taux précité de 38
% établit une perte de recettes
s’élevant à 84,437 M€.
A elle seule, cette donnée justifie une
contre partie en recettes nouvelles de l’ordre de 1,2 % des émoluments et honoraires qui se sont élevés à 7.020,052 M€ en 2011 (source : bulletin
statistiques CRPCEN janvier 2012).
Ajouter cette contribution aux émoluments facturés au client est particulièrement opportun si l’on considère la motivation de la suppression de la compensation spécifique vieillesse.
Elle est en effet due à la volonté des élus
des collectivités territoriales de réduire la charge de la CNRACL en tant que
contributeur important à la compensation spécifique vieillesse, pour éviter aux
dites collectivités d’avoir à financer cette charge sur leur budget et donc par
l’impôt acquitté par le citoyen.
Autrement dit, le refus par les élus de la solidarité mise en œuvre par cette compensation a généré une perte de recettes à l’encontre de la CRPCEN, sans aucune contre partie financière de l’Etat, et donc un transfert de charge aux seuls ressortissants du notariat via le régime spécial.
A l’injustice de cette décision politique
s’ajoute un caractère discriminatoire puisque pour les régimes spéciaux
équilibrés par l’Etat, la charge leur incombant a été transférée sur l’ensemble
des contribuables.
La répartition de la charge ainsi imposée à
la CRPCEN, entre les usagers du service notarial à défaut de pouvoir l’imposer à l’ensemble des
contribuables via le budget de l’Etat, est donc parfaitement opportune.
Et on notera, à l’appui de cette position,
que le financement complémentaire au moyen de la cotisation sur émoluments et
honoraires est loin d’entraîner un dépassement du taux de 7 % desdits
émoluments que les Députés avaient voté en 1931.
2-3 –
Coût à assumer en cas de suppression du régime spécial
En cas de suppression du régime spécial, les régimes de droit commun (régime général + régimes complémentaires obligatoires) auraient à assumer la charge des prestations avec leurs taux de cotisations, et on sait à cet égard que les régimes d’accueil auraient à supporter pour le notariat un déficit structurel.
Certes, une contre partie en leur faveur résulterait des droits d’entrée calculés en conséquence.
Mais on sait que ces droits, à assumer par les employeurs Notaires, seraient d’un niveau tellement élevé qu’ils généreraient inéluctablement une demande pour leur prise en compte par un aménagement du tarif des Notaires, et donc un coût pour le client.
Autrement dit, assurer la pérennité
financière de la CRPCEN au moyen d’une contribution du client ne pénalise pas
celui-ci et est conforme aux fondamentaux de la loi du 12 juillet 1937 pour un
service public du droit de qualité.
La proposition d’une cotisation additionnelle
aux émoluments (ou prise en charge par le tarif des Notaires) a donc un
caractère évident d’opportunité.
2.4 –
Charge pour le client très faible
La spécificité d’un financement faisant
contribuer le client est une opportunité pour le régime qui a ainsi le moyen
d’assurer son avenir malgré une assise démographique étroite et dans le cadre
d’un autofinancement imposé par l’absence de contribution de l’Etat.
Cette spécificité dont la motivation
historique, rappelons-le encore une fois, est liée à un objectif de qualité du
service public du droit au bénéfice du client, peut avoir pour limite une
charge disproportionnée pour ledit client.
Mais tel n’est pas le cas pour deux raisons principales :
► le complément de
contribution nécessaire est d’un montant très faible par rapport aux frais que
doit assumer le client, et encore davantage par rapport aux capitaux en cause.
Ainsi, pour une mutation d’un bien immobilier
d’habitation de 150.000 € (soit un investissement total, frais compris, de
l’ordre de 161.000 € sans négociation) le supplément de coût pour le client
généré par une cotisation de 1 % sur émoluments et honoraires est inférieur à
28 €, soit moins de 0,02 % de l’investissement total.
C’est infinitésimal et ne saurait justifier
un refus, si ce n’est par un dogmatisme inopportun.
► le recours aux
services du notaire n’est pas le « panier de la ménagère » et a lieu
généralement dans des circonstances exceptionnelles, le plus souvent à l’occasion
d’un investissement, d’un héritage, ou de l’organisation d’une dévolution de
biens.
Le coût infinitésimal du complément de
contribution et sa rareté (par comparaison aux dépenses répétitives constituant
« le coût de la vie ») n’a donc aucun caractère inflationniste et ne
remet pas en cause l’opportunité de ce mode de financement.
3 –
Absence de tout risque d’excès
Si le moyen du recours à la cotisation sur émoluments est légitimé dans son principe, sa mise en œuvre n’est pas demandée dans un cadre d’automaticité.
En effet, la décision de faire varier cette
cotisation relève en tout état de cause des Pouvoirs Publics qui auront, en cas
de nouvelle demande des partenaires sociaux, à en apprécier l’opportunité.
C’est donc dans un cadre maîtrisé que l’intersyndicale
UNION POUR LA CRPCEN place sa proposition.
4 – Une
occasion ratée
Il est dommage que les besoins de la CRPCEN n’aient pas été pris en compte lors de l’augmentation du tarif des notaires résultant du décret du 17 février 2011. C’est une occasion ratée.
Lorsque l’intersyndicale a eu connaissance du
projet par le Ministère de la Justice, le texte était arrêté et dans le circuit
des signatures.
La perspective, pour mettre en œuvre les
propositions de l’intersyndicale, d’une deuxième intervention sur le tarif dans
un délai relativement court ne saurait donc légitimer un refus.
En
conclusion
► hors
les mesures gouvernementales qui seraient applicables à tous les régimes dans
le cadre de la réforme des retraites en négociation suite au rapport Moreau, la
CRPCEN ne peut assurer durablement son équilibre financier que par des mesures
spécifiques au régime et par des économies résultant de la modification des
mécanismes de compensation bilatérale maladie demandée par le conseil
d’administration unanime.
► ces
mesures ne peuvent concerner que les recettes, dès lors que les prestations ont
déjà été réformées et que les spécificités restantes du régime, largement
couvertes par un financement également spécifique, sont indissociables de
l’existence même du régime auquel les partenaires sociaux du notariat sont
unanimement attachés.
►
s’agissant des recettes provenant des cotisations sur salaires, il n’existe
plus de marge dès lors que la mise à niveau de leurs taux a été réalisée.
► la
cotisation sur émoluments et honoraires est une spécificité permettant les
ressources nouvelles nécessaires à la pérennité du régime, en cohérence :
- avec les motivations qui ont présidé à la création de cette cotisation, mise par le législateur à la charge de l’usager du service notarial.
- avec la nécessité d’une contre partie à la perte de recettes imposée au régime par la suppression de la compensation spécifique vieillesse ; contre partie que la contribution de l’Etat a permis pour d’autres régimes spéciaux.
- avec la mise à contribution de l’usager du service notarial qui résulterait inéluctablement de la suppression du régime, en raison de la nécessité de financer la charge, très conséquente, des droits d’entrée dans les régimes d’accueil.
- avec
le caractère non inflationniste de la contribution du client, tant par son
montant infinitésimal que par la fréquence non répétitive du recours au service
public notarial.
Juillet 2013
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