Face aux conséquences de la "Loi Macron" sur la
couverture
sociale des salariés du notariat
PROPOSITIONS POUR LA PÉRENNITÉ
DE LA CRPCEN
►
Préambule
Rappelons d'entrée que la CAISSE DE RETRAITE
ET DE PREVOYANCE DES CLERCS ET EMPLOYES DE NOTAIRES (CRPCEN) est le régime
spécial de sécurité sociale et de retraite des salariés du notariat, créé par
une loi du 12 juillet 1937.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la
croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite "Loi
Macron", a été promulguée au journal officiel du 7 août 2015.
Ses conséquences économiques sur le régime de la CRPCEN motivent l'élaboration
du présent dossier.
● Fin d'un tarif des
notaires égalitaire
Il n'est pas opportun de refaire le débat qui
a vu toutes les composantes du notariat, patronales et syndicales, unies pour
la défense de cette profession, que ce soit au nom du service public assuré par
délégation de l'Etat, ou au nom de la défense du statut des salariés en termes
d'emplois, de salaires, et de couverture sociale assurée par la CRPCEN.
On notera néanmoins que la loi, d'inspiration
libérale qui fait de la seule concurrence le socle de l'organisation
économique, a mis fin à l'égalité des citoyens face au service public du droit
que caractérisait un tarif des notaires s'appliquant à tous les citoyens dans
les mêmes conditions, en ouvrant la possibilité de remises lorsque l'assiette
du tarif est supérieure à un certain seuil.
Cette disposition, qui ouvre au client la
possibilité de négocier le tarif à partir d'un certain seuil, profitera surtout
aux "riches clients".
Le caractère social du tarif des notaires a
donc vécu.
● Conséquences sociales
pour les salariés
Le but annoncé de la loi est de faire baisser
le tarif des notaires, officiellement pour le pouvoir d'achat des citoyens,
alors qu'on sait que la fréquence du recours au notaire par le citoyen Lambda
ne permet pas à celui-ci d'espérer de la loi Macron une amélioration de son
pouvoir d'achat. Il risque par contre de dégrader ce que le citoyen attend du
recours au notaire : la sécurité juridique. Celle-ci risque d'être mise à mal
si le notaire est conduit à faire des économies sur les moyens (notamment en
personnel) qui lui permettent d'assurer une bonne qualité de service.
Quant aux salariés du notariat, ils vont être
en première ligne pour subir les effets de la loi Macron.
En effet, sauf à ignorer la réalité du
terrain, chacun sait que le chef d'entreprise qui subit une diminution de son
chiffre d'affaires cherche à préserver ses marges par la diminution de ses
coûts.
1
Les salariés auront donc à connaître des
conséquences négatives :
- en termes d'emplois (exemple : lors de la
crise de 2008-2009, le notariat a supprimé 6.000 emplois, soit près de 12 % des
effectifs).
- en termes de salaires, dès lors que les
négociations annuelles seront rendues plus difficiles (exemple : lors des
négociations de février 2015, alors que la loi Macron n'était pourtant pas
encore promulguée, aucun accord de salaires n'a pu être signé dans le
notariat).
- en termes de couverture sociale, assurée
par la CRPCEN, dont les ressources risquent de pâtir de la situation à double
titre :
-
d'abord en termes de cotisations sur salaires, conséquence de moins d'emplois
et de
négociations salariales difficiles.
-
ensuite en termes de cotisations sur le chiffre d'affaires puisque,
particularité de la CRPCEN,
elle
perçoit des notaires une cotisation de 4 % assise sur leurs émoluments et
honoraires.
● Préserver la CRPCEN
En raison de l'évolution défavorable de son
rapport démographique, la CRPCEN connaît des difficultés pour son équilibre
financier.
Alors qu'elle a pourtant augmenté très
fortement en 2010 et 2011 ses cotisations assises sur les salaires ( 5,45
points pour les notaires + 2,63 points pour les salariés + création d'une
cotisation de 1 point pour les retraités), les exercices 2013 et 2014 ont à
nouveau été déficitaires (- 33,1 M€ en 2013 et - 18,2 M€ en 2014).
Dans l'hypothèse d'une baisse tarifaire
générant une baisse des cotisations, des déficits importants sont à craindre
pour la CRPCEN. Les réserves du régime, de l'ordre de 300 M€, seraient vite
épuisées et la CRPCEN, ne pouvant plus faire face à ses obligations, serait en
danger de disparition.
Si les Pouvoirs Publics et les élus du Peuple
ne peuvent pas s'immiscer dans l'embauche et la négociation salariale, ils
peuvent par contre décider de mesures permettant à la CRPCEN la pérennité de
son équilibre financier malgré le contexte défavorable créé par la loi Macron.
Proposition pour la pérennité de la CRPCEN
Cette
proposition vise à utiliser la cotisation sur émoluments et honoraires,
actuellement au taux de 4 % et incluse dans le tarif.
Dans ce
cadre il est proposé de créer, une cotisation additionnelle ayant la même
assiette. Son taux serait fixé par voie réglementaire, et donc par les Pouvoirs
Publics qui en maîtriseraient ainsi l'évolution en fonction des besoins du
régime.
Cette
proposition reprend l'esprit de la loi du 12 juillet 1937 qui avait créé une
telle cotisation.
Ce
processus serait rendu possible par l'inclusion d'une disposition dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (voir proposition
de texte ci-après).
►
Rappel historique
Comme déjà indiqué, la CRPCEN a été créée par
une loi du 12 juillet 1937.
Dès sa création, la CRPCEN a bénéficié, outre
des cotisations sur salaires, d'une cotisation assise sur le chiffre d'affaires
du notariat au taux de 4 %.
L'examen des travaux parlementaires de
l'époque permet de résumer brièvement les motifs ayant présidé à la création de
la CRPCEN et à l'instauration d'une cotisation sur le chiffre d'affaires du
notariat, payée par le client (elle était ajoutée aux émoluments et honoraires)
:
- le législateur a considéré que le notariat
était investi d’une mission de service public, avec l’avantage du monopole.
- il a aussi considéré que les salariés
étaient partie prenante de ce service public, sans toutefois recevoir les
avantages que l’Etat accorde à ses Fonctionnaires.
2
- c’est pour réparer cette anomalie qu’il a
créé la CRPCEN.
- la contribution de la CRPCEN à l’amélioration du
recrutement dans le notariat et donc du « bien public » (expression
alors utilisée), a conduit le législateur à faire participer le client à son
financement.
Ces
principes, qui ont présidé à la création du régime, constituent la spécificité
dominante de la CRPCEN
prenant en compte son caractère d’utilité publique. Et ils valent aujourd’hui
pour consolider son avenir.
Relevons enfin que la cotisation fixée à 4 %
lors du vote de la loi, fut abaissée à 3 % en 1945 dès lors que les besoins du
régime ne nécessitaient pas un tel niveau de recettes, et rétablie à 4 % en
1983 pour assurer l’équilibre financier du régime qui était menacé.
On voit
donc que cette cotisation a effectivement joué le rôle d’une cotisation
d’équilibre pour la CRPCEN.
►
Opportunité de la cotisation sur émoluments
Si, comme il vient d’être démontré, il est
légitime de recourir à la cotisation sur émoluments et honoraires pour
l’équilibre financier de la
CRPCEN , il faut néanmoins répondre à la question de
l’opportunité de ce recours.
1 –
Fragilité de l’équilibre financier du régime
Ce sujet a déjà été évoqué ci-dessus.
Précisons néanmoins que la fragilité actuelle
(déficit avant application de la loi Macron) va être sensiblement aggravée par
les effets de la loi Macron sur le chiffre d'affaires du notariat.
2 – Contribution
de l’usager du service notarial
On a vu que la contribution du client au
financement du régime est une spécificité historique majeure,
et légitime, de la
CRPCEN.
Le recours à cette contribution est
aujourd’hui opportun, à plusieurs titres :
2-1 –
Autres recours à la contribution du consommateur au financement de la
protection sociale
- dans les régimes spéciaux où l’Etat, donc
le contribuable, assure l’équilibre financier.
- au plan général, par la décision de l’Etat
de recourir à la TVA pour l'assurance maladie.
2-2 –
Contre partie aux pertes de recettes imposées au régime
Une perte de recettes importante a été
imposée à la CRPCEN
par la suppression progressive de la compensation spécifique vieillesse entre
régimes spéciaux, totale depuis le 1er janvier 2012.
Cette perte n’est pas de l’ordre de 20 M€
comme le mentionnent parfois certains commentaires. En effet, la suppression
ayant été progressive par la diminution annuelle du taux d’application, la
perte de recettes s’apprécie en prenant en compte le taux d’application le plus
élevé, soit 38 % (1993).
Sur la base des données de calculs de
compensation pour l’exercice 2011 (dernier exercice d’application de la
compensation spécifique vieillesse, avec un taux de 4 % générant un solde
positif de 8.888.156 €), le rétablissement du solde avec le taux précité de 38
% établit une perte de recettes
s’élevant à 84,437 M€.
A elle seule, cette donnée justifie une
contre partie en recettes nouvelles de 1,34
% des émoluments et honoraires qui se sont élevés à 6.303 M€ en 2014 (source : bulletin statistiques
CRPCEN).
Ajouter cette contribution aux émoluments
facturés au client est particulièrement opportun si l’on considère la
motivation de la suppression de la compensation spécifique vieillesse.
3
Elle est en effet due à la volonté des élus
des collectivités territoriales de réduire la charge de la CNRACL en tant que
contributeur important à la compensation spécifique vieillesse, pour éviter aux
dites collectivités d’avoir à financer cette charge sur leur budget et donc par
l’impôt acquitté par le citoyen.
Autrement dit, le refus par les élus de la
solidarité mise en œuvre par cette compensation a généré une perte de recettes
à l’encontre de la CRPCEN ,
sans aucune contre partie financière de l’Etat, et donc un transfert de charge
aux seuls ressortissants du notariat via le régime spécial.
A l’injustice de cette décision politique
s’ajoute un caractère discriminatoire puisque pour les régimes spéciaux
équilibrés par l’Etat, la charge leur incombant a été transférée sur l’ensemble
des contribuables.
La répartition de la charge ainsi imposée à la CRPCEN , entre les usagers
du service notarial à défaut de pouvoir
l’imposer à l’ensemble des contribuables via le budget de l’Etat, est donc
parfaitement opportune.
Autre
aspect lié à la compensation
La CRPCEN contribue à la solidarité nationale
à travers les mécanismes de compensation généralisée, et notamment à la
compensation bilatérale avec le régime général pour le risque maladie.
A ce titre elle effectue au régime général
des versements importants générés par des mécanismes de calculs qui ne prennent
pas en compte le comportement vertueux en consommation médicale, attesté par
les chiffres et reconnu par les pouvoirs publics, des salariés et retraités du
notariat.
Cette situation a amené le conseil
d'administration de la CRPCEN à faire, l'unanimité de toutes ses composantes
patronales et syndicales, une proposition permettant de prendre en compte le
comportement vertueux sus-énoncé.
Cette proposition a été rejetée par les
Pouvoirs Publics, qui maintiennent ainsi un système pervers : pénalisation du
comportement vertueux en consommation médicale.
2-3 –
Coût à assumer en cas de suppression du régime spécial
En cas de suppression du régime spécial, les
régimes de droit commun (régime général + régimes complémentaires obligatoires)
auraient à assumer la charge des prestations avec leurs taux de cotisations, et
on sait à cet égard que les régimes d’accueil auraient à supporter pour le
notariat un déficit structurel.
Certes, une contre partie en leur faveur
résulterait des droits d’entrée calculés en conséquence.
Mais on sait que ces droits, à assumer par
les employeurs Notaires, seraient d’un niveau tellement élevé qu’ils
généreraient inéluctablement une impossibilité de prise en charge sans mesures
compensatoires de l'Etat qui incomberaient finalement aux contribuables.
Autrement dit, assurer la pérennité
financière de la CRPCEN
au moyen d’une contribution du client ne pénalise pas celui-ci et est conforme
aux fondamentaux de la loi du 12 juillet 1937 pour un service public du droit
de qualité.
La proposition d’une cotisation additionnelle
aux émoluments a donc un caractère évident d’opportunité.
2.4 –
Charge pour le client très faible
La spécificité d’un financement faisant
contribuer le client est une opportunité pour le régime qui a ainsi le moyen
d’assurer son avenir malgré une assise démographique étroite et dans le cadre
d’un autofinancement imposé par l’absence de contribution de l’Etat.
Cette spécificité dont la motivation
historique, rappelons-le encore une fois, est liée à un objectif de qualité du
service public du droit au bénéfice du client, peut avoir pour limite une
charge disproportionnée pour ledit client.
Mais tel n’est pas le cas pour deux raisons
principales :
► le complément de
contribution nécessaire est d’un montant très faible par rapport aux frais que
doit assumer le client, et encore davantage par rapport aux capitaux en cause.
4
Ainsi, sur la base de l'actuel tarif pour une
mutation d’un bien immobilier d’habitation de 150.000 € (soit un investissement
total, frais compris, de l’ordre de 161.000 €) le supplément de coût pour le
client généré par une cotisation de 1 % sur émoluments et honoraires est
inférieur à 28 €, soit moins de 0,02 % de l’investissement total.
C’est infinitésimal et ne saurait justifier
un refus, si ce n’est par un dogmatisme inopportun.
► le recours aux
services du notaire n’est pas le « panier de la ménagère » et a lieu
généralement dans des circonstances exceptionnelles, le plus souvent à
l’occasion d’un investissement, d’un héritage, ou de l’organisation d’une
dévolution de biens.
Le coût infinitésimal du complément de contribution
et sa rareté (par comparaison aux dépenses répétitives constituant « le
coût de la vie ») n’a donc aucun caractère inflationniste ni pénalisant
pour le pouvoir d'achat, et ne remet pas en cause l’opportunité de ce mode de
financement.
3 –
Absence de tout risque d’excès
Si le moyen du recours à la cotisation sur
émoluments est légitimé dans son principe, sa mise en œuvre n’est pas demandée
dans un cadre d’automaticité.
En effet, la décision de faire varier cette
cotisation relève en tout état de cause des Pouvoirs Publics qui auront, en cas
de nouvelle demande des partenaires sociaux, à en apprécier l’opportunité.
C’est donc dans un cadre maîtrisé par les
Pouvoirs Publics que l’intersyndicale UNION POUR LA CRPCEN place sa
proposition.
► En
conclusion
► les
mesures pour assurer la pérennité de l'équilibre financier de la CRPCEN ne
peuvent concerner que les recettes, dès lors que les prestations ont déjà été
réformées et que les spécificités restantes du régime, largement couvertes par un
financement également spécifique, sont indissociables de l’existence même du
régime auquel les partenaires sociaux du notariat sont unanimement attachés.
►
s’agissant des recettes provenant des cotisations sur salaires, il n’existe
plus de marge dès lors que la mise à niveau de leurs taux a été réalisée.
► la
cotisation sur émoluments et honoraires est une spécificité permettant les
ressources nouvelles nécessaires à la pérennité du régime, en cohérence :
▪ avec
les motivations qui ont présidé à la création de cette cotisation, mise par le
législateur à la charge de l’usager du service notarial.
▪ avec
la nécessité d’une contre partie à la perte de recettes imposée au régime par
la suppression de la compensation spécifique vieillesse ; contre partie que
la contribution de l’Etat a permis pour d’autres régimes spéciaux.
▪ avec
la mise à contribution de l’usager du service notarial qui résulterait
inéluctablement de la suppression du régime, en raison de la nécessité de
financer la charge, très conséquente, des droits d’entrée dans les régimes
d’accueil.
▪ avec
le caractère non inflationniste de la contribution du client, tant par son
montant infinitésimal que par la fréquence non répétitive du recours au service
public notarial.
Il est donc demandé aux
Pouvoirs Publics, pour permettre à la
CRPCEN d’assurer sa pérennité financière sans le concours de
l’Etat, d’accepter la mise en œuvre d’une solution durable au moyen de la
cotisation sur les émoluments et honoraires des Notaires dans les termes de la
présente note.